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Focus Numérique – Daniel, pouvez-vous vous présenter ?
D.B. – Daniel Boschung (1959), je suis un photographe de publicité et de reportage suisse. Mon travail a été publié dans des magazines internationaux comme Time Magazine, Newsweek ou Geo Saison. J’ai réalisé de nombreuses campagnes de publicité en Suisse. Je vis à Zurich.
Focus Numérique – Vous avez développé un système de reproduction en ultra haute définition à l’aide d’un bras robotisé et d’un reflex en macro. Comment est née cette idée ?
D.B. – J’ai toujours voulu dépasser les limites de la taille du capteur de mon appareil photo. Du temps de l’argentique, il suffisait d’opter pour un appareil avec une plus grande taille de film pour obtenir une meilleure résolution. Il a fallu un sérieux accident de VTT pour enfin trouver l’idée. J’étais à l’hôpital avec le dos cassé. J’ai eu beaucoup de chance de ne pas rester paralysé. Les médecins m’ont fait une IRM. Je n’avais pas le droit de bouger afin que l’appareil puisse obtenir une image de mon bas dos tranche par tranche. Ce scanner a ensuite guidé un robot pour qu’il m’installe 8 vis en titane dans l’une de mes vertèbres avec une précision qui dépasse ce qu’un humain aurait pu faire. Cette expérience a donné naissance au concept RoboPhot.
Focus Numérique – Pouvez-vous nous expliquer ce concept ?
D.B. – RoboPhot est un bras robotisé, généralement utilisé dans l’industrie d’assemblage automobile. Il est associé à un Canon EOS 5D Mark II et un 180 mm macro. Tous les mouvements sont contrôlés par ordinateur. Le système capture des centaines d’images de tous les détails du sujet grâce à un logiciel spécialement développé.
Focus Numérique – Le processus semble très automatisé. Comment avez-vous conçu la communication entre le robot, le boîtier et le logiciel ?
D.B. – Nous avons développé un logiciel spécifique. Ce n’est pas seulement prendre des photos. Toutes les 2 secondes, 25 Mo de données sont traités. Pour cela, nous avions besoin d’un ordinateur puissant. Chaque photo est renommée à la volée en fonction de sa position et enregistrée dans le dossier approprié. Un autre problème a été la gestion du système d’éclairage au flash. Au début, je devais refroidir les têtes de flash avec de la glace à cause du nombre d’éclairs. Heureusement, le Scoro de Broncolor a résolu ce problème. C’est un des rares générateurs à supporter ce type de demande. Il dispose aussi d’une très courte fréquence d’éclair et d’une température de couleur stable. Pour la capture, j’utilise un canon EOS 5D Mark II avec un 180 mm macro en connecté.
L’impression des images a aussi été un challenge. J’ai testé beaucoup de solutions d’impression et c’est la Lambda qui a le mieux répondu à mes attentes : exposition au laser et développement argentique. Je n’ai pas trouvé de solution en jet d’encre qui procure la même qualité et le même sentiment de profondeur dans les images. La limite de la Lambda est la taille du papier avec une largeur maximale de 1,8 mètre. Il y a seulement 10 Lambda de ce type au monde.
Focus Numérique – Quelle est la plus haute définition d’image que vous ayez réalisée ?
D.B. – C’était une reproduction d’une peinture de fleur. Le tableau original faisait 60 x 70 cm et le fichier final pesait 14 Go. Quand vous ouvrez des fichiers de ce type avec Photoshop, vous pouvez vous armer de patience et de café !
Focus Numérique – Vous avez opté pour un reflex 24 x 36 mm. Pourquoi pas un moyen format avec un capteur de 50 ou 80 millions de pixels ?
D.B. – Car le processus est basé sur une lentille télémétrique. Le gros problème est d’avoir suffisamment de distance avec le sujet sans rompre certaines règles optiques imposées par le système. Et le moyen format pèse plus lourd, ce qui posait problème avec le robot.
Focus Numérique – Votre système peut cartographier le sujet et estimer la profondeur de champ. Comment est ce que cela marche ?
D.B. – Je peux guider le robot à différents points de référence et estimer la profondeur de champ et l’intégrer au logiciel. Nous avons testé des mesures laser mais sur des sujets humains, on ne peut pas les utiliser à cause des yeux.
Focus Numérique – L’assemblage des images se fait-il de manière automatique ou manuelle ? Est-ce le même principe pour des sujets en 2D et en 3D ?
D.B. – Un peu des deux. Pour les sujets 3D, j’utilise Helicon Focus. Pour les assemblages, Autopano Giga.
Focus Numérique – Pour les sujets humains, comment arrivez-vous à faire qu’ils restent parfaitement immobiles pendant toute la durée du processus ?
D.B. – La tête des sujets est fixée, comme pour la réalisation de portraits à l’ancienne. Pour les légers mouvements du visage et des yeux : c’est un travail manuel.
Focus Numérique – Vous proposez un service de reproduction et des portraits. Quels sont vos clients ?
D.B. – Dans l’univers de la reproduction d’art, toutes les personnes qui souhaitent rendre accessible leur travail au public et à de potentiels acheteurs. Le gros avantage de RoboPhot est qu’il est possible de travailler sur différentes parties du sujet sans avoir à le toucher ou le déplacer. Je suis toujours fasciné en zoomant depuis une vue d’ensemble jusqu’aux plus fins détails, comme les coups de pinceau par exemple. Ces détails sont magnifiés 20 fois sur l’écran. On en voit plus que par la vision directe sans microscope. Pour les portraits, c’est mon projet personnel.
Focus Numérique – Pourquoi avoir besoin de si hautes définitions ?
D.B. – Pour des reproductions d’art, vous avez la possibilité de zoomer depuis une vue d’ensemble jusqu’aux détails microscopiques avec un ordinateur et une connexion internet standard. Jusqu’à aujourd’hui, il était possible de photographier une vue d’ensemble ou un détail sur une seule image. Pour combiner les deux, il faut impérativement monter en définition. C’est ce que RoboPhot propose.
Focus Numérique – Pour vous, quelles sont les applications d’un tel système ?
D.B. – Avec l’arrivée des nouveaux moniteurs 4K, une nouvelle manière de regarder voit le jour. C’est impressionnant de voir à quelle vitesse ont peut aller avec autant de gigaoctets de données. Il y a beaucoup de collections de peintures qui sont cachées dans des archives et non visibles par le public. C’est l’un de mes rêves de les rendre accessibles à tous. C’est comme avec Google Earth et la possibilité d’explorer le monde entier depuis votre ordinateur. Robophot commence à découvrir le monde là ou Google Earth s’arrête.